Au Portugal avec Sur la route

Les petits villages qui s’accrochent aux rives du Douro ont deux traits communs : ils sont perchés sur des collines aux contours vertigineux et les routes qui les serpentent sont d’une étroitesse remarquable. Et lorsqu’on arrive au sommet, il n’est pas dit qu’on peut se revirer sur un dix cennes. En tout cas, pas avec un camion de 15 mètres cubes!

C’est dans ce contexte que j’ai fait une entrée remarquée dans le village de Boassas, qui se dresse comme une sentinelle au-dessus du Douro, à environ 100 km à l’est de Porto. Soulagée d’être parvenue au sommet en un morceau, sans faire caler le moteur ni devoir faire marche arrière, j’ai stationné le camion sur la place publique. Sous un gazebo, cinq paires d’yeux dans la quatre-vingtaine avancée suivaient avec précision chacun de mes mouvements. Plus personne ne parlait. Chaque geste que je posais – ouvre la porte, ferme la porte, déplace une boîte, échappe un outil – me semblait mener un train d’enfer. Je ne fittais pas dans le décor.

Puis, j’ai entendu des petits pieds et une canne se traîner jusqu’à mon repaire. La plus courageuse de la gang avait décidé de casser la glace. « On se demandait ce qu’un gros camion comme ça venait faire dans notre village!»

Je lui explique ce que je fais dans les parages et lui demande si c’est correct de laisser le camion là toute la nuit. Les restes de méfiance s’estompent de son visage quand je lui dis que je trouve ça beau ici. Elle me dit que « não ha problema », avec un grand geste du bras. Me voilà officiellement bienvenue.

Je suis en extase devant les beautés du Douro. Du haut des rives escarpées du fleuve, la vue est grandiose et change constamment d’un virage à l’autre. Le terrain est à ce point ondulé qu’un seul vignoble peut être exposé à divers points cardinaux et compter de grands écarts d’altitude. Un beau casse-tête pour les producteurs, qui doivent faire preuve d’ingéniosité et de minutie. Tout est difficile d’accès et le travail se fait à la main. À notre deuxième matin dans la région, en pleine période des vendanges, on pouvait entendre le murmure des travailleurs qui étaient en poste depuis l’aube pour couper les grappes de raisins avant qu’il fasse trop chaud. J’en ai surpris quelques-uns à chanter à l’ouvrage. Travailler la terre, ça rend heureux.

Scène de vendanges à la gare de Pinhao

Scène de vendanges à la gare de Pinhao

Pinhao

Pinhao

Valença do Douro, et vue sur Pinhao au loin

Valença do Douro, et vue sur Pinhao au loin

Région de Tabuaço

Région de Tabuaço

Région de Tabuaço

Région de Tabuaço

Pour les cyclistes qui osent s’y aventurer, c’est un défi de taille. Parlez-en au groupe Sur la route que je viens de guider. Leur première journée dans la région comptait 1600 m de dénivelé positif sur à peine 48 km. Chaque montée qui dépeigne est suivie d’une descente tout aussi décoiffante lors de laquelle on perd en quelques minutes ce qu’on a parfois pris une heure à monter… Aouch!

Toute la route pour nous!

Toute la route pour nous!

Pousse, tire, pousse, tire...

Pousse, tire, pousse, tire…

Descente bien méritée

Descente bien méritée

Heureusement, ça faisait déjà une semaine qu’ils pédalaient et la préparation avait porté fruit. Depuis notre départ de Lisbonne, le terrain n’était pas nécessairement difficile, mais il était assez ondulé. Entre les villes-étapes que nous avions choisies, j’avais sélectionné un paquet de petites routes de campagne sinueuses et fort jolies qui nous ont fait découvrir un Portugal fertile (raisins, bien sûr, mais aussi poires, pêches, nectarines, pommes, figues, grenades, olives, agrumes, noisettes, eucalyptus…) et extrêmement riche en histoire. On a vite arrêté de compter les châteaux, palais, forts et autres monuments qui se trouvaient sur notre route. Tour à tour occupé par les Celtes, les Phéniciens, les Grecs, les Romains, les Wisigoths, les Maures et les chrétiens, le pays ne manque pas de panache.

Azulejos, Lisboa

Azulejos, Lisboa

Jolie Lisboa

Jolie Lisboa

Région d'Ericeira

Région d’Ericeira

Région d'Ericeira

Région d’Ericeira

Repos du guerrier

Repos du guerrier

Région d'Obidos

Région d’Obidos

Obidos, avant l'orage

Obidos, ville médiévale

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La belle côte Atlantique

Sao Pedro de Moel

Sao Pedro de Moel

Palais de Mafra

Palais de Mafra

Covento do Cristo, Tomar

Covento do Cristo, Tomar

Coimbra et son université, l'une des plus anciennes au monde

Coimbra et son université, l’une des plus anciennes au monde

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Ruines romaines, Conimbriga

Fête de la Sainte-Madeleine à Alcabideque

Fête de la Sainte-Madeleine à Alcabideque

L’amabilité des gens qui se trouvaient sur notre route nous a aussi profondément marqués. À chaque rencontre, nous étions accueillis avec douceur et authenticité. Les Portugais utilisent deux expressions que j’aime beaucoup : « com calma », comme dans « pas de soucis, je m’en occupe », et « a vontade », comme dans « faites comme chez vous ». Ça dit tout.

La beauté d’un voyage de vélo au Portugal, c’est aussi de pouvoir compter sur assez de calories pour récupérer d’une bonne journée. Les portions sont gigantesques (finir son assiette relève de l’exploit, peu importe le dénivelé auquel on a eu affaire), l’huile d’olive est goûteuse et généreuse, et les pâtisseries… LES PÂTISSERIES! Feuilletées, aux oeufs, au chocolat, à la costarde… C’est du délire. Et après, il faut aussi se soumettre au choix du café. La liste est longue. L’espresso (bica) se décline en quatre variantes: tasse pleine (cheio), tasse aux trois quarts pleine (tres quartas), petite dose corsée du début de l’infusion (italiano) ou petite tasse pleine de la fin de l’infusion (carioca). Si ça ne fait pas votre affaire, il y a aussi l’espresso avec un soupçon de lait (pingado), le moitié espresso moitié lait (garoto), le lait avec un soupçon de café (galão), avec plus (escuro) ou moins (claro) de café, et la grosse tasse moitié café moitié lait (meia de leite). Si vous pensiez que commander chez Starbucks était compliqué…

Je n’ai pas encore parlé du vin et du porto, auxquels il faudrait consacrer un article à part. Disons simplement que nous n’en avons pas manqué!

Dégustation de porto

Dégustation de porto

Merci aux super cyclistes qui se sont prêtés avec enthousiasme au rôle de cobaye dans cette aventure, qui était aussi nouvelle pour moi que pour eux. Merci pour votre confiance et, surtout, pour votre sens de l’humour décapant. J’ai encore un peu mal aux joues.

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